OLIVIER GENDEBIEN : Une légende du sport belge.

INTERVIEW

Contrairement à ce que son livre autobiographique laisse transparaître, la carrière sportive d'Olivier Gendebien sera, à bien des égards, mêlée à la destinée de la Gmünd 061 et de celle de Gilberte Thirion.Si cette facette de son histoire fut souvent passée sous silence, c'est sans nul doute, qu'il s'évertua à effacer de sa mémoire les douleurs d'un échec dans sa vie sentimentale. Pour un bon nombre des journalistes de l'époque, Olivier Gendebien restait une énigme, tant il s'évertuait à éloigner la presse de son entourage privé. Il se pourrait même, qu'une partie de sa réussite en compétition, ait été stimulée par un désir d'oublier, une sorte de fuite suicidaire vers le danger tout en prouvant son talent. C'est sous cette optique, et peut-être encore plus que pour d'autres pilotes, qu'il paraissait nécessaire de s'attarder sur l'ensemble de sa carrière, car la reconnaissance de son talent, ne se limitent certainement pas à ses trois victoires dans le Tour de France et à Sebring et ses quatre victoires à la Targa Florio et au Mans.

 

Olivier Gendebien et Gilberte Thirion, sa coéquipière, au côté de la fameuse Porsche Gmünd 061, le 28 juillet 1954, au départ du 8ème Rallye Evian-Mont Blanc-Megève. A la demande de l'équipage, le numéro de départ 13, fut modifié en 83. La voiture est équipée d'un moteur central, ce sera la seule et unique apparition de la voiture en compétition dans cette configuration. Il arrivera 4ème au général et 1ier de catégorie.

 

Les chevaux d'abord !

Olivier Gendebien appartient à cette catégorie de champions nés pour briller dans n'importe quel sport mais dont le destin reste confié au hasard. Selon le Champion belge, l'avenir d'un homme se joue dès les premières an¬nées de sa vie. Dans la famille Gendebien, la bonne éducation s'impo¬se et pas question pour les sept enfants de profiter des avantages de leur milieu social sans poursuivre de solides études. Olivier est né à Uccle, commune bruxelloise, le 12 décembre 1924. Son père est docteur en droit et sa mère, la petite fille d'Ernest Solvay, inventeur d'un procédé chi¬mique industriel qui porte son nom. Bien sûr le sport est la distraction fa¬vorite d'Olivier, et notamment l'équitation. A 10 ans, il se classe 3ème d'un concours hippique international à Bruxelles ou montaient des officiers de cavalerie.
Comme tout gamin, Olivier aime les voitures, surtout les modèles sport de son de son père, « Il roulait toujours en Bentley, à cause de leurs succès aux 24H du Mans ! », mais sans plus. Ce qui ne l'empêche pas d'apprendre à condui¬re la Cadillac familiale, réservée aux enfants. Membre de l'Armée secrète en 1943 puis de l'unité de parachutistes SAS en Angleterre jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale il participa notamment à la con¬tre offensive des Ardennes.

 

Plantation Fraikin

Après son engagement dans la Se¬conde Guerre mondiale, Olivier Gendebien termine ses études d'agronomie et s'envole en 1948 vers l'Afrique où l'at¬tend un projet d'urbanisation à Stanleyville, mais aussi Charles Fraikin et son démon de la course !. Une rencontre plutôt cocasse au fin fond du Congo belge où Olivier Gendebien surpris par la nuit tropicale, demande l'hospitalité à ce planteur de café. « Charles Fraikin cherchait un coéquipier pour courir le Liège-Rome-Liège, se sou¬vient il. A cette époque, j'étais un hom¬me de cheval-crotin et pas de che¬val vapeur». Mais Fraikin, que je connaissais à peine, semblait tellement malheureux que je lui dis en rigolant. «Dans trois ans, je retourne en Europe, alors vous pourrez compter sur moi si vous ne trouvez personne ». Les rallyes ne m'intéressent pas, mais en 1952, nous étions au départ du Marathon de la Route avec une Jaguar MK VII ! »


La carrière sportive d'Olivier Gendebien commence au XXII Grand Prix des Frontières à Chimay, le 19 juin 1952 au volant d'une Veritas allemande. Il finira dernier et 7ème de l'épreuve mais sur 17 au départ ; Paul Frère remportant l'épreuve sur une HVM-Alta. Par la suite, Olivier Gendebien roulera sur Jaguar avec Fraikin.

 

Les débuts avec Gilberte

Olivier Gendebien et Gilberte Thirion se rencontrent en 1954

 

Son père est docteur en droit et sa mère, la petite fille d'Ernest Solvay, inventeur d'un procédé chi¬mique industriel qui porte son nom. , Olivier Gendebien avait tâté bien tard de la compétition automobile à laquelle ne le destinaient ni ses études d'ingénieur agrono¬me, ni ses passions pour l'équitation et le ski, ni ses séjours au Congo, d'où il revint définitivement en 1953.

Avant même de connaître la gloire dans le sport auto, ce Namurois issu d'une grande famille industrielle était déjà un sportif accompli, ayant participé à des concours internationaux d'équitation et aux championnats de Belgique de ski. C'est presque par hasard qu'il vint ensuite à la course automobile quand Fraikin, l'un de ses vieux amis.., lui proposa en l952 de participer au rallye Liège Rome-Liège.

Avec Jacky Ickx, Paul Frère ou Willy Mairesse, Gendebien fut, au tournant des années 50 et 60, un des grands pilotes automobiles belges, au service notamment de l'écurie mythi¬que Ferrari avec laquelle il courut en Formule 1 et rem¬porta ses quatre Victoires au Mans, associé à Phil Hill en 1958, 61 et 62, aux côtés de Paul Frère en 1960. Olivier Gendebien fût aussi le premier vainqueur belge du Targa Flo¬rio, en 1958 avec Luigi Musso. Il allait y remporter deux autres victoires, en 1961 asso¬cié à Wolfgang Von Trips et en 1962 avec Ricardo Rodriguez et Willy Mairesse.

Au Mans en 1962, il avait évité un accident de peu, et son épouse attendant leur troisième et dernier enfant, il avait décidé de raccrocher.

Ces nombreux hauts faits lui valu¬rent d'enlever six fois consécutivement le titre de champion de Belgique. Cet été, à la veille du Grand Prix de F1 à Spa-Francorchamps, il fut nommé par le Roi, Officier de l'Ordre de la Couronne.

Olivier Gendebien n'a pas conduit que des Ferrari. L'été 2006, je lui avais rendu visite car il était le dernier pilote a avoir conduit ma Porsche, la Gmünd 356/2-061 de Gilberte Thirion. On s'était entretenu de nombreuses heures et il m'avait notamment parlé de l'histoire de son livre : «Mon fils Robert allait à l'école à Saint Rémy-de-Provence. Quand j'ai arrêté en 1962, il avait 4 ans. Deux ans plus tard, sa mère se tua dans un accident de la route. Mais comme je ne me vantais pas de mes courses, il ignorait tout. Peu avant les 24 H du Mans, en rentrant de l'école pour dé¬jeuner, Robert me regarde en riant et me demande: «Est ce vrai que tu as gagné quatre fois les 24 Heures du Mans ?».

«Oui, c'est vrai», répondis je. «Ah, zut alors ! J'ai perdu mon pari. » Un de ses camarades dont le père était passionné de courses lui avait tout dit ! J'ai donc décidé d'écrire mes souve¬nirs de course pour mes trois enfants : Quatre fois vainqueur au Mans. »

 

A la fin de la saison 1955, le 22 octobre pour être plus précis, Olivier Gendebien pause aux côtés des pilotes qui ont fait triompher la marque Mecedes cette année-là. De gauche à droite, on peut reconnaître : Alfred Neubauer (directeur de course), Hans Herrmann (pilote F1 et Sport), l'ingénieur Dipl. Ing. Rudolf Uhlenhaut (directeur des essais et mise au point), Willem J.Tak (masqué, vainqueur du rallye des Tulipes), Peter Collins (accroupi, coéquipier de Moss), Werner Engel (champion européen de voitures de Tourisme), Piero Taruffi (assis), Karl Kling, Juan Manuel Fangio (champion du monde F1), Wolfgang Graf Berghe von Trips, Stirling Moss (vainqueur de la Targa Florio et bien d'autres épreuves), notre héro (vainqueur du Liège Rome Liège), André Simon, Gilberte Thirion (vainqueur dans le rallye Stella Alpina), John Fitch, le ministre du Baden-Württemberg (de 1952 à 1960) Dr. Herman Veit et le Prof. Dr. Ing Fritz Nallinger (directeur technique).

 

Reactions


La mort de ce grand homme du sport belge à l'âge de 73 ans (2 octobre 1998 à Tarascon, France) n'a évidemment pas laissé insensible d'autres pilotes.
"C'était un grand Monsieur, dira par exemple Henri Pescarolo, Un gentleman driver comme l'on dit. C'était surtout un très bon pilote. Il s'est illus¬tré aux 24 Heures du Mans. Il était très rapide.

C'était quelqu'un de sûr... Il était toujours très accessible pour les jeunes pilotes que nous étions à l'époque. On avait tou¬jours la possibilité d'aller le voir. Son nom est accolé à Fer¬rari parce qu'à cette époque tous les grands pilotes étaient chez Ferrari. A une époque où la course automobile était par¬ticulièrement dangereuse, le seul occident grave qu'il a eu, était à vélo…

Triste, je suis triste, confie quant à lui Maurice Trintignant. C'était le fer de lance de l'écurie nationale belge. C'était quel¬qu'un de charmant, De plus, Il attaquait tout le temps et, quand il prenait le départ d'une course, il se donnait à fond. Mais il était sûr et très adroit.

"Je l'ai connu quand j'étais petit garçon, se souvient Jacky Ickx. A l'époque, il était la figure de proue du sport auto¬mobile belge. Il était bon par¬tout, en Formule 1, rallye, au Mans... Il a été le fil conduc¬teur pour de nombreux jeunes vers la passion que l'on nourrit pour l'automobile

 

Au départ du Liège Rome Liège 1954, de droite à gauche, Jacky Ickx, au côté de son père Jacques Ickx et son épouse, et le grand Charles Faroux

 

Olivier Gendebien et l'auteur dans sa résidence aux Baux de Provence en juillet 1996

 

le caveau où repose d'Olivier Gendebien à St Remy, la tombe est anonyme, sans aucune mention mais encore régulièrement fleurie par ses admirateurs.

 

 

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