Helmut & Ingeborg POLENSKY : Le roi de la Montagne

D’origine polonaise, mais Allemand depuis de nombreuses générations, Helmut Polensky naît à Berlin, le 10 octobre 1915. Il est le cadet de quatre garçons* dont le père est entrepreneur de génie civil. Il passe les premières années de sa vie dans la capitale allemande où sa future femme, Ingeborg Marsson (dont les ancêtres sont Huguenots), voit également le jour, le 9 mai 1919.

Il quitte l’école à 18 ans, en 1933, et effectue son service militaire dans l’artillerie où on lui confie une moto BMW « tout terrain » afin d’assurer le ravitaillement de sa batterie. Son père meurt dans un accident de voiture en mai 1936 et, quelques mois plus tard, il utilise une partie de son héritage ainsi que la subvention d’une association automobile allemande pour partir aux USA et pour visiter Detroit, la capitale de l’automobile américaine …et mondiale. C’est l’époque où tous les Européens qui s’intéressent ou qui sont impliqués dans l’automobile font le voyage vers les Etats-Unis, pour découvrir la force industrielle automobile américaine. Pour ne citer qu’eux, Ferdinand Porsche et Pierre D’Ieteren le feront aussi.

En 1937, Helmut acquiert sa première voiture (une BMW 319 d’occasion) et est engagé comme « apprenti volontaire » de « l’Organisation Industrielle et Commerciale d’Auto-Union ». C’est au sein de celle-ci qu’il aura l’occasion de rencontrer le Professeur Porsche …dont il admire évidemment les voitures de Grand Prix. Il achète bientôt une BMW 328 sport, avec laquelle il participe, le 7 mai 1939, à sa première compétition automobile (il avait déjà pris part, à moto, aux 2000 Kilomètres d’Allemagne en 1934, alors qu’il n’avait encore que 19 ans !) dans le « Hamburger Stadtpark » …et il termine à la première place.

Il est alors incorporé « de force » dans l’organisation officielle des pilotes allemands (le NSKK, Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps), la seule à délivrer une licence de course. A sa demande, il sera toutefois exempt du port de l’uniforme. Il devient rapidement le rival sportif d’Huschke von Hanstein et, le 6 août 1939, il domine le « Rennbaron » à la course de côte du Großglockner dans les Alpes autrichiennes (appelée pour des raisons politiques « Großer Bergpreis von Deutschland ») …et s’empare du titre de champion d’Allemagne de la catégorie sport 2L, titre qui lui est décerné à Zell am Zee.

Son trophée en poche, il rentre chez lui à Berlin, … en faisant « le plein » tous les 50 kilomètres, les stations d’essence ne pouvant déjà plus délivrer que 5 litres de carburant à la fois ! Plus pour longtemps d’ailleurs car, le 26 août, alors que se déroulent les entraînements du Grand Prix de Liège … qui n’aura pas lieu à cause de la déclaration de guerre, Helmut Polensky est rappelé sous les drapeaux et, le 1er septembre, il participe à l’invasion de la Pologne…

Au mois de décembre de la même année, il est envoyé à l’école des officiers de l’armée de terre (Oberkommando des Heeres ou OKH). Il sera affecté à un centre logistique de la capitale du Reich, pour toute la durée de la guerre.

En avril 1945, les Russes entrent dans Berlin. Helmut fuit l’avance des troupes soviétiques et se rend à Hambourg, à moto, sous un déluge de bombes alliées. Il y sera fait prisonnier, puis relâché. Il y trouvera un logement et y épousera Ingeborg en février 1947. Le considérant comme un « bon Allemand » (car il n’a pas fait la guerre comme combattant), les troupes d’occupation anglaises le nommeront directeur d’une petite firme spécialisée dans l’alésage de cylindres. Au début de 1948 cependant, il quitte Hambourg pour devenir concessionnaire Vespa à Stuttgart. C’est là qu’Ingeborg retrouve son ancien professeur d’italien, un certain Albert Prinzing**, qui dit travailler pour le bureau d’études Porsche alors occupé à construire ses premières voitures à Gmünd en Autriche.

Quelques années plus tard, le professeur Prinzing mettra Helmut Polensky en relation avec Richard von Frankenberg. Une longue amitié unira plus tard les deux hommes. Nouveau coup du sort entre-temps, le 20 juin 1948, le jeune couple Polensky voit toutes ses liquidités démonétisées et, comme chaque Allemand, Helmut et Ingeborg reçoivent, chacun, 40 DM pour survivre. Le Reichsmark, pratiquement sans valeur, est en effet remplacé par un nouveau Deutsche Mark et comme par l’inflation après la première guerre les gens perdent de nouveau toutes leurs épargnes!

Il faut donc recommencer à zéro. Heureusement, Helmut possède encore, à Berlin, un immeuble de rapport hérité de son père. L’immeuble est partiellement détruit mais, grâce à sa notoriété, son savoir-faire comme dirigeant de sa petite entreprise et sa loyauté envers l’occupant, il obtient sans peine un prêt à faible taux d’intérêts.

C’est le début d’une nouvelle prospérité qui correspond à de nouveaux projets. Helmut veut en effet utiliser son moteur BMW 328 d’avant-guerre pour construire une monoplace de Formule 2 …dont c’est la grande mode dans ces années-là (Enzo Ferrari fera lui aussi de la Formule 2 à cette époque, avant d’aborder la F1). Equipée de suspensions Volkswagen, la première « Monopol » voit ainsi le jour. Partageant son temps entre des activités « alimentaires » et d’autres plus passionnelles et plus sportives, Helmut Polensky construit bientôt une série de trois monoplaces de Formule 3 à moteur de moto BMW, appelées « Monopoletta ». Dans le même temps, il devient « vendeur indépendant » au Garage VW Gramling à Karlsruhe.

Dans le courant de l’année 1951, il y fait la connaissance de Ferry Porsche et lui achète l’année suivante sa première 1500S, de couleur rouge. C’est au volant de cette voiture qu’il participera avec Max Thirion au Mille Miglia de 1953 et Gilberte la pilotera la même année, avec tant de panache au « Eifelrennen », Nürburgring.

En 1952, il s’inscrit au grand rallye Liège-Rome-Liège. Pour y participer avec des chances sérieuses de succès, il demande à son ami Huschke von Hanstein s’il peut lui procurer un « modèle Gmünd SL » en aluminium. Les rares voitures d’usine de ce type qui participeront à cette épreuve ont malheureusement déjà été toutes attribuées, toutes sauf une qui a été vendue en Belgique…

Au début du mois d’aôut ’52, il fait la connaisance de Max et de Gilberte Thirion, à l’occasion de la Coupe des Alpes, alors qu’en tête de sa catégorie, il vient de tomber en panne de pompe à essence.
Thirionse sont arrêtés pour lui porter secours et lui ont offert une pompe à essence qu’ils avaient embarquée dans leur voiture, au cas où Helmut pourra ainsi rallier l’étape mais il ne terminera pas la course. Il en aura par contre profité pour demander à Gilberte si elle accepterait de lui prêter son auto pour le « Liège-Rome ». C’est au volant de celle-ci qu’il remportera bientôt ce « Marathon de la Route », ce qui constituera la première « victoire absolue » de Porsche en compétition.

Importateur des bougies Champion pour la Belgique, Max Thirion met bientôt Helmut Polensky en contact avec l’usine américaine qui le désigne, à son tour, comme importateur pour l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche et la Hongrie. Ingeborg deviendra quant à elle, pour les trois années suivantes, la copilote habituelle de Gilberte Thirion aux Tours de France et de Belgique.

Après le refus de son vieux « camarade » von Hanstein de lui prêter une « Gmünd d’usine » en ’53, Helmut participera à de très nombreux rallyes internationaux au volant d’une Fiat, d’une Lancia et de sa Porsche personnelle. Il gagne - avec son coéquipier Walter Schlüter - le rallye Travemeünde et le rallye des Alpes et devient ainsi le premier « Champion d’Europe de Rallye ».

L’année suivante, Porsche l’engagera au volant d’un Spyder 550 dans des épreuves d’endurance : 24 Heures du Mans (abandon) et 12 Heures de Reims (victoire de classe avec von Frankenberg). Il obtiendra également une nouvelle victoire éclatante au Liège-Rome-Liège, avec Herbert Linge aux commandes de l’ancienne Gmünd d’usine équipée à l’occasion du fameux moteur Carrera à 4 arbres.

Helmut Polensky se retirera alors de la compétition pour se consacrer entièrement à ses affaires. Celles-ci lui prendront de plus en plus de temps …mais deviendront aussi de plus en plus florissantes, ce qui lui permettra un jour de se retirer dans la Baie de St Tropez, sur la Côte d’Azur, où il coulera désormais des jours paisibles en compagnie de son épouse. Chaque fois qu’il s’y rendra, plus tard, en venant d’Allemagne, il fera le crochet par le col du Stelvio et du Gavia, pour tenter de retrouver ses impressions de jadis. Celles du temps où il était champion d’Europe des rallyes.

* l’aîné, Gorg, mourut quelque temps après la naissance, les deux autres frères s’appelaient respectivement, Hans Otto (1905) et Werner (1911)

&Ingeborg Polensky en 2000 avec l'auteur

 



En 1948 Helmut Polensky devient distributeur des scooters Vespa pour la région de Stuttgart.
Il organise en 1950 le Tour D'allemange en Vespa.. Participation de ses amis, Huscke von Hanstein


Helmut Polensky et Walter Schlütter au Tour de Sicile 1950 sur une coccinelle.
Cette photo de Corrado Millanta ref. 5656 a été prise le 26 Mars


Tour de France 1954, Ingeborg Polensky est la coéquipière de Gilberte Thirion sur la SL
d'usine.



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